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29 April 2024
Amandine Henry : « Je n’ai pas envie de m’arrêter là »

Amandine Henry : « Je n’ai pas envie de m’arrêter là »

Oct 28, 2015

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Si vous suivez activement le football féminin, alors vous la connaissez forcément. Depuis 2007, Amandine Henry porte les couleurs de l’Olympique lyonnais et y collectionne les titres, que ce soit sur la scène nationale ou européenne. Considérée par tous ses entraîneurs comme l’une des meilleures du monde à son poste de milieu défensive, la native de Lille le prouve également avec la France depuis 2009.

Et justement, si c’est grâce à ses performances sous le maillot bleu lors de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Canada 2015 que vous l’avez découverte, alors vous n’oublierez pas son nom de sitôt. Ballon d’Argent adidas de la compétition, elle a inscrit un but phénoménal contre le Mexique, et a montré qu’elle était parfaitement à sa place sur la scène mondiale après avoir été écartée de la sélection pendant plus de deux ans, manquant notamment l’édition 2011.

Depuis ses performances en terres canadiennes, Henry a également été désignée deuxième meilleure joueuse européenne de l’UEFA de la saison et est repartie sur le même rythme tant avec Lyon qu’avec les Bleues. En attendant d’avoir son mot à dire pour le titre de Joueuse Mondiale de la FIFA 2015, elle qui fait partie de la liste des candidates ? C’est de tous ces sujets qu’elle s’est entretenue avec FIFA.com.

Amandine, deuxième meilleure joueuse de Canada 2015, deuxième meilleure joueuse européenne de la saison, êtes-vous préparée pour être deuxième au classement de la Joueuse Mondiale de la FIFA 2015 ?
(rires) Dans mes rêves les plus fous, oui ! Déjà, être la deuxième meilleure joueuse de la Coupe du Monde, je ne m’y attendais pas, parce qu’en étant éliminée en quart de finale, il n’y avait aucune chance d’être parmi les meilleures joueuses. J’étais surprise, fière et contente. Et l’UEFA arrive derrière ! Être dans les dix, c’était déjà une belle reconnaissance, mais finir deuxième, c’était super. Je n’ai pas envie de m’arrêter là, mais pour les nominations pour le Ballon d’Or, il y a encore beaucoup à faire cette saison, en club et en sélection. Je n’y pense pas, mais j’ai encore envie de progresser.

Et deuxième en championnat avec l’Olympique lyonnais ?
Ah non, ce n’est pas envisageable ! (rires) Ce serait dans nos pires cauchemars. Deuxième, on n’y pense pas. A l’OL, ce n’est pas imaginable de finir deuxième. Déjà, l’an dernier on s’est fait éliminer par le PSG en Ligue des champions. C’était très dur parce que la saison est très longue quand on est éliminé tôt. Heureusement qu’il y avait la Coupe du Monde derrière, parce que ça me maintenait en forme et motivée pour progresser et arriver au top en fin de saison.

En jouant à Lyon, on oublie la définition du mot « perdre ». N’est-ce pas préjudiciable pour préparer les quelques grands matches de la saison ?
Perdre, c’est un mot banni de notre langage. Quand on joue à l’OL, on a beaucoup de pression, ce qui est normal parce que le président met tous les moyens pour qu’on obtienne de bons résultats. Si on n’y arrive pas, c’est inconcevable. Et nous avons un très bon groupe, avec beaucoup de bonnes joueuses, donc si on veut garder sa place sur les gros matches et sa place en sélection, il faut faire ses preuves au quotidien. C’est pour ça qu’il faut toujours prouver, toujours se motiver. Si on veut progresser, il faut être au top tout le temps. Ça veut dire ne jamais perdre.

La France semble n’avoir jamais été aussi forte, mais dans les résultats, elle a fait moins bien à Canada 2015 qu’à la Coupe du Monde 2011 et au Tournoi Olympique 2012. Que manque-t-il encore pour passer le cap de la médaille ?
Il nous manque un petit brin de chance et un esprit plus tueur. Si on regarde notre match face à l’Allemagne, on a beaucoup d’occasions. Bon, on a eu le trophée du Fair Play quand même, mais ce n’est pas ce qu’on cherchait ! (rires)

Justement, ce quart de finale perdu aux tirs au but après avoir dominé l’Allemagne vous laisse-t-il des regrets ? Etait-ce l’année ou jamais pour aller au bout ?
Des regrets, on ne peut pas en avoir si on a tout donné. Quand on voit les occasions qu’on a eues, on peut être frustrées. Mais on peut toutes se regarder dans une glace, on a fait le maximum. Avant, l’Allemagne était vraiment au-dessus, mais là, on les a bougées, elles ont même été surprises. Ça se joue à très peu de choses et ça motive pour la suite, parce que maintenant, on n’a plus de complexe d’infériorité, on sait qu’on est capables de rivaliser. Pareil pour les Etats-Unis, on les a rencontrées plusieurs fois la saison dernière. C’est une grosse nation, mais on n’a plus à rougir de nos prestations face à elles. La France est devenue une belle nation de football, mais il faut le prouver en compétition.

Avant la Coupe du Monde, on parlait beaucoup des stars Homare Sawa, Abby Wambach, Celia Sasic, Nadine Angerer, ou Lotta Schelin. Mais pas de Françaises dans cette liste, même si on citait la France parmi les favorites. Votre Ballon d’Argent adidas et votre place de deuxième meilleure joueuse européenne peuvent-ils changer cela ?
Quand on ressort une joueuse, je ne vous dis pas la pression qu’elle a pour faire de bons matches ! Et si tout repose sur une joueuse, ça devient facile pour l’équipe adverse, il suffit de bien la prendre. Notre jeu est vraiment basé sur notre collectif. C’est ce qui prime dans cette équipe de France. En plus dans notre équipe, il y a non seulement un très bon collectif, mais qui est également composé de très bonnes joueuses. Mais la reconnaissance passe aussi par des récompenses collectives internationales. Quand on prend toutes les grandes joueuses, elles ont toutes remporté des trophées et des médailles. C’est ce qui nous manque et j’espère que ça va changer, parce qu’il y a de très bonnes joueuses en France qui mériteraient d’être reconnues.

Cela fait des années que vous jouez au très haut niveau, mais on a l’impression que le monde vous découvre cette année. Y a-t-il une frustration d’avoir tant tardé à être reconnue ?
La frustration, je l’avais quand je n’étais plus en équipe de France, donc je ne suis pas frustrée de cette reconnaissance tardive. C’est une petite revanche pour moi, parce que j’ai continué à travailler et je n’ai jamais baissé les bras, et aujourd’hui, le monde me découvre, si on peut dire. J’en suis très contente parce que ça aurait pu ne jamais arriver. Je suis restée Amandine de l’Olympique lyonnais, qui a commencé dans son petit club, mais j’ai l’impression que ça a pris une grande ampleur… En fait, j’ai fait trois bons matches en Coupe du Monde, et ça y est, ça explose ! Alors qu’en championnat, j’ai fait de belles saisons complètes, mais ça n’a jamais eu un tel impact. C’est incroyable, et on voit que ça se joue à très peu de choses. C’est ça, le haut niveau. On marque un super but en Coupe du Monde et on explose, alors qu’on marque un super but en championnat et personne ne va en parler. Carli Lloyd par exemple, on n’en parlait pas tant que ça avant le tournoi, mais elle met un triplé en finale de Coupe du Monde, et pas n’importe quel triplé ! Le jour où on a une bonne étoile, ça peut être le tournant d’une carrière.

Récompenser une milieu défensive, est-ce la preuve que le football féminin évolue et qu’on donne de l’importance à tous les postes, et plus uniquement les stars offensives ?
Pendant longtemps, on ne récompensait que les buteuses et maintenant, on se rend compte dans le football féminin aussi, tous les postes sont vraiment importants. C’est une reconnaissance et une belle motivation parce qu’on n’a pas besoin forcément de marquer pour qu’on se rende compte qu’on a fait un bon match. Les autres postes peuvent aussi se mettre en valeur. Ça a commencé avec Nadine Angerer, ça a beaucoup aidé qu’elle soit élue Joueuse Mondiale par des spécialistes, car souvent, les supporters ne retiennent que les buteuses.

Après votre titre de Joueuse du Match contre le Mexique, vous aviez dit avoir réalisé un rêve, mais qu’il en restait d’autres que vous révéleriez plus tard. Le moment est-il venu ?
Oui, puisqu’ils ne se sont malheureusement pas réalisés. C’était de nous qualifier en demi-finale, et de gagner la Coupe du Monde. En tout cas, au moins d’être sur le podium. Mais ce sont des rêves qui ne sont pas totalement abandonnés et qui vont ressurgir en 2019 j’espère.

FIFA.com | Getty Images