Écouter le podcast Tendances & Histoires sur Spotify
2 May 2024
Deschamps sur les traces de Jacquet

Deschamps sur les traces de Jacquet

Juil 10, 2018

En 1998, la France remporte sa première coupe du monde, organisée chez elle. Cette année-là coïncide avec une montée en puissance du soccer chez nous à Québec, au Québec, au Canada. Le fait que ce soit un pays francophone qui l’organise, a eu un impact majeur sur le soccer québécois, sans aucun doute.

Le parcours des Bleus jusqu’à la victoire finale contre le Brésil, a été un déclic pour des milliers de québécois, provoquant chez eux une passion pour le soccer. Les inscriptions ont explosé pour faire du soccer le sport le plus pratiqué à Québec, au Québec et au Canada. C’est dans ce contexte stimulant que j’ai décidé d’organiser ma vie autour du soccer, et carrément d’en vivre, avec une mission : développer le soccer dans ma région, Québec, et épanouir les jeunes avec les valeurs saines et éducatives du sport. Je n’ai jamais regretté cette décision.

La France de 1998 m’avait marqué car, c’était la première fois que je regardais et analysais les matchs comme un coach et non pas comme un spectateur. Le management d’Aimé Jacquet, sélectionneur de la France Championne du Monde, m’avait fasciné, le tout bien illustré dans le documentaire exceptionnel et culte, «Les Yeux dans les Bleus». J’ai l’impression que c’était hier, tellement les émotions ont été fortes. Une émotion vous ramène dans le temps, une émotion ne respecte pas le temps.

J’ai repris l’idée du carnet noir d’Aimé Jacquet, où il y griffonnait ses idées de coaching. Je suis à mon 27ème carnet, et depuis, j’achète tout ce qui bouge sur le soccer pour me perfectionner. Dans un pays comme le Canada, il faut investir dans la formation continue et être autodidacte, pour avancer et progresser.

Dans cette équipe de France 98, il y avait un certain Didier Deschamps, capitaine de l’équipe et véritable meneur d’hommes. C’était littéralement un entraîneur sur le terrain, un relais du coach. Aimé Jacquet aimait se reposer sur des joueurs cadres, et plus particulièrement sur Didier Deschamps.

En 1998, avant le début de la Coupe du Monde, Aimé Jacquet était critiqué et moqué par les médias français. Il était parodié et humilié, au point qu’il avait programmé un départ définitif de la France en cas d’échec. Après la victoire finale, il est devenu un intouchable, un héros national, mais il n’a jamais pardonné à ses dénigreurs. C’est un épisode qui a marqué Didier Deschamps, ça a façonné littéralement sa façon de communiquer avec les médias, dans un pays, la France, pas juste championne du monde sur le terrain en 1998, mais aussi championne du monde de la critique, championne du monde du pessimisme.

Aujourd’hui, Didier Deschamps passe pour le roi de la communication, il ne laisse rien au hasard, et garde à distance la meute journalistique. Il aime répéter que « la com’n’est pas un fardeau mais un jeu »

Il partage plusieurs points communs avec Jacquet.

Jacquet n’a pas sélectionné Cantona, vedette de Manchester United, pour une question de cohésion d’équipe. Deschamps n’a pas rappelé Karim Benzema, vedette du Real de Madrid. Ils avancent malgré les critiques, avec un plan de match qui leur appartient. Deschamps a hérité d’une qualité de Jacquet : le pragmatisme.

Quelqu’un de pragmatique agit en fonction de ce qu’il voit et du contexte dans lequel il évolue. Il feint de ne pas écouter les critiques, mais n’y est pas insensible. Quelqu’un de pragmatique n’a pas d’égo mal placé, il recherche avant tout l’efficacité.

Quelle est la différence entre un entraîneur et un journaliste ? Le premier prend une décision qui aura un impact sur l’équipe. Le deuxième émet une critique ou une suggestion dont il ne sera jamais imputable et responsable. Risque zéro, pression zéro.

On lui reproche de ne pas offrir d’identité de jeu à la France, il répond en disant que l’équipe de France montera en puissance dans la compétition, comme à l’Euro 2016, perdant en finale de façon très serrée contre le Portugal.

Pour lui, le respect des principes de jeu, bien défendre, mettre les joueurs à la bonne place sur le terrain, gérer les égos, trouver un équilibre, sont plus importants que l’identité de jeu (style de jeu).

Comment donner une identité de jeu à une équipe dont les joueurs sont éparpillés dans plusieurs équipes différentes, dans des championnats différents ? il préfère associer des qualités.

L’histoire de ce Mondial lui donne raison, puisque les équipes avec des fortes identités de jeu, comme l’Espagne ou l’Allemagne, sont toutes reparties chez elles. Il démontre que ça ne donne rien de réussir ses matchs de préparation pour ensuite échouer en compétition, comme le Brésil ou l’Espagne. Deschamps a fait de l’équipe de France une équipe caméléon qui s’adapte à n’importe quel style de jeu.

Il est vrai qu’il a mis du temps avant de trouver son onze type, mais il faut le comprendre sachant qu’il a entre les mains une génération exceptionnelle de jeunes joueurs. Depuis le début, la France est mon équipe favorite pour remporter la Coupe du Monde 2018.

Elle a sa tête un entraîneur imprégné de la culture de la gagne. Il a su aussi donner une âme et une cohésion à cette équipe. Arsène Wenger, disait qu’une équipe qui vit bien ensemble, joue bien ensemble. L’édition 2018 des Bleus est en train de le démontrer.

Sa recette : du pragmatisme et de l’efficacité. Gagner, valide les décisions qui sont prises. Perdre, valide les critiques. La ligne est très mince entre perdre et gagner.

Critiqué hier, mais légèrement moins que Jacquet, encensé aujourd’hui, Didier Deschamps court après son destin, remporter une coupe du monde comme entraîneur après l’avoir remporté comme joueur, 20 ans plus tôt. Ensuite, il s’attaquera à l’Euro 2020 …

 

Samir Ghrib

 

photo: Youtube (FFF)