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3 May 2024
Bergeroo, gardien de la perfection

Bergeroo, gardien de la perfection

Déc 3, 2014
©AFP
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Philippe Bergeroo ne baisse jamais la garde. Ancien gardien de but international, il ne le faisait déjà pas souvent sur sa ligne de but. Devenu sélectionneur de l’équipe de France féminine, il continue à garder, non plus les buts, mais les choses importantes à l’esprit. Notamment l’ambition et la motivation des Bleues, mais aussi l’importance de son poste de prédilection dans le football actuel, masculin ou féminin.

Ainsi, lorsqu’on évoque le bilan des qualifications françaises pour la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Canada 2015™, dix victoires en dix matches, avec 54 buts inscrits contre trois encaissés, il se garde bien d’évoquer la perfection, et se contente de la satisfaction. « Il y avait trois équipes qui pouvaient se qualifier, même si on était la nation favorite », raconte-t-il au micro de FIFA.com. « On savait bien que le match en Autriche allait être compliqué, et surtout qu’il fallait faire attention à la Finlande. Certes, il y avait des équipes faibles dans cette poule, mais il fallait qu’on ne perde pas de points à l’extérieur, parce que la qualification pouvait se jouer sur la différence de buts particulière. On ne voulait surtout pas passer par les barrages, une étape très compliquée, surtout avec demi-finale et finale. Donc les filles ont rempli leur contrat. »

Garder le cap et l’humilité
Il s’agit désormais de garder le cap, et l’ancien entraîneur du Paris saint-Germain a su le faire en menant ses troupes à la victoire lors de matches amicaux contre le Brésil ou l’Allemagne, et en tenant la dragée haute aux Etats-Unis, habituels favoris de l’épreuve reine. « Ce qui est important, c’est de se rapprocher de ces grandes équipes », annonce-t-il à quelques jours du tirage au sort de Canada 2015. « Je veux me confronter aux plus grandes équipes pour voir notre valeur. On s’en rapproche. On a pris le bon chemin, mais il faut qu’on garde notre humilité. Parce que jusqu’à présent, la France n’a jamais rien gagné.  »

Ce qui n’est pas le cas de leur entraîneur, qui a remporté la Coupe du Monde de la FIFA, France 1998 en tant qu’adjoint d’Aimé Jacquet, après avoir échoué en demi-finale de l’épreuve lors de l’édition 1986 en tant que troisième gardien. Il est donc bien placé, à quelques semaines de la remise du FIFA Ballon d’Or 2014, pour juger de la relation parfois difficile entre les gardiens et les trophées. « C’est très difficile de reporter cette récompense quand on est gardien de but », prévient-il, alors que Manuel Neuer figure parmi les finalistes entre Lionel Messi et Cristiano Ronaldo. « On voit souvent le mauvais côté du gardien, avec les buts qu’il encaisse, et quand il fait une faute, on ne peut pas récupérer derrière. Mais j’ai vu un super gardien allemand, qui a été vraiment exceptionnel. Donc ce serait bien de valoriser ce poste-là, qui mérite qu’on ait un autre regard sur les performances. »

Formation et coordination
Dans le football féminin, justement, Nadine Angerer a montré en 2013 qu’un dernier rempart – déjà celui de l’Allemagne en l’occurrence -, pouvait être désigné Joueuse Mondiale de la FIFA. Elle a par la même occasion fait vieillir le cliché selon lequel les gardiennes de but sont encore le point faible du football féminin, même si Bergeroo reconnaît qu’il y a encore des progrès à faire dans ce domaine. « Chez nous, il y a une ou deux très bonnes gardiennes, mais c’est vrai que derrière, c’est un peu compliqué », admet-il. « Je crois qu’il faut travailler un peu plus sur la détection. Et surtout, ne pas spécialiser les gardiennes de but au départ. »

Et le sélectionneur tricolore est bien placé pour le savoir, lui qui a pratiqué le rugby jusqu’à 16 ans avant de tomber par hasard dans le football en remplaçant un gardien de but blessé dans un match de quartier dans son Saint-Jean-de-Luz natal. « Il faut donner avant tout une coordination générale aux joueuses », détaille-t-il. « Ça peut être l’apprentissage de deux gestes dans une autre discipline sportive. Il ne faut pas trop tôt se concentrer sur le spécifique. Le conseil que je peux donner aux apprenties gardiennes, c’est qu’elles touchent d’abord à d’autres postes, ou à d’autres disciplines. Et une fois qu’elles seront prêtes sur la coordination, on pourra les faire jouer dans les buts. C’est ce qui manque à l’heure actuelle, la coordination », conclut-il. Une leçon… à garder.